mardi 28 avril 2009

ABOUT BLANK : CHAPITRE 7


7/ Essayer avec tout le monde par ce qu’on y arrive avec personne

Je sors de ma douche. D s'est évaporée. Quelqu'un m'a monté un pansement, du coton et de l'alcool. Je me demande si ce quelqu'un observe la vie des gens qu'il sert, ou s'il sert juste.
Je m'habille, désinfecte ma plaie, fini le croissant entamé et pli le dessin de la prison des enfants dans ma poche, pour me rappeler de bonnes choses. Je ne pense pas que je ne reviendrai jamais dans cette chambre trop chère pour quoi que ce soit. Alors je la regarde comme si elle mourrait. Dans le couloir en descendant, je croise un employé. Il passe ses yeux sur moi, puis les détournes, passe derrière moi. J'entends "connard". Je m'arrête, pour rien, je repars. Devant l'hôtel D est a la place du mort, dans une Peugeot 306 de location. Avec ses lunettes mouches. Qu'est ce qu'elle attend de moi ? Je m'installe au volant avec douzes heures de cours de conduite.
- Je ne peux pas D, c'est pas la peur de nous tué, c'est la peur de tué quelqu'un.
-On verra bien.
-Merde.
-T'aimes être grossier hein ?
-La c'était pour nous souhaiter chance.
C'est une sorte de troisième D, entre celle que j'aime et celle qui détruit. Et c'est moi qui l'ai amené ici, la troisième D. Je démarre, cale. Je redémarre et roule doucement, me rodant. Heureusement cette voiture est la même que celle de mes cours de conduite, que je n'ai plus depuis deux ans. D met un cd, « Song for Jo » de Scarlett Johansson sort des enceintes doucement et je sent plus encore l'été.
- C'est le cd que je t'avais gravé ?
- Oui, j'aime bien.
- Je t'aime.
Je le dis comme une politesse plus qu'une vérité. Et je me demande pourquoi je le dis.
- Je sais. Me répond D.
Je suis un gros con. J'ouvre grand les fenêtres avant, avec la climatisation, l'humiditée. La circulation est lente sur la promenade, je glisse au ralenti la dedans. Entre celui que je suis et celui que je ne serais jamais. Ça m'aide, de m'oublier pour la conduite je crois. Je lui demande :
- On va ou ?
- On a qu’à longer la côte.
- J'avais entendu arrière-pays.
- Oui moi aussi, j'avais entendu ça, mais je veux rester prés de l'océan.
- C'est une mer pas un océan la Méditerranée.
- Océan c'est plus joli.
- Peut-être, mais c'est faux.
- Et alors monsieur le scientifique ça va te tuer ?
- C'est ma logique c'est tout, laisse tomber, j'aime bien « mer » moi.
Je regarde droit devant avec conviction, en faisant bien attention à la manière dont je montre mon visage et ma posture. Dos bien droit, les deux bras sur le volant, le visage concentrer et dure. J'espère que c'est ce que je montre puis je dis :
- Si on arrange trop souvent les choses comme ça, ça peut offrir une petite mort.
- Un exemple ?
- Toi.
- Mais je ne suis pas une petite morte.
- Mort.
Je n'arrive pas à la deviner derrière ses lunettes neutres, j’ajoute :
- Et ça doit s'arrêter ou ?
- De quoi ?
- Nous, on doit s'arrêter ou ?
- Faut pas faire de plan.
- Oh que si, il en faut. Sinon pas de maisons. Sinon tu disparais…Tout bêtement comme ça, en une fraction de temps.
- On a qu’à dire, a la frontière espagnole.
- Et pour l'argent ?
- On n’a pas de soucis à se faire pour ça, l’argent.
- Ok.
Amo bishop roden, Boards of canada. Vents chauds, odeurs saline, gazon humide. 13h20, mon ventre a mal de faim. Je le dis à D, elle me dit que son ventre aussi. Ont s'arrêtent à une pizzeria et ont mange bien, sans rien dire. Pendant que je mange trop, que mes doigts deviennent gras, que mes lèvres souffrent du coca glacé qu'elle rencontre et que la nausée m'envahit. À cause de D et des pizzas. La nausée. J'ai l'impression que ce qu'on pourrait appeler « nous », D et moi, a pris un lot d'années. Mes épaules ont du mal à nous soutenir, et pourtant je me sens obliger de faire vivre mes hormones mâles avec un « nous ». Je me demande comment peut-on être totalement épanoui pendant que je suce un glaçon qui me fait un peu mal aux dents. Peut-être qu'un jour, tournant en rond dans un bel appartement, vide de tout, d'envies et d'idées, je feuilletterais innocemment ce magazine féminin a moitié rempli de pub, matant toute cette bisexualité féminine refoulée (avant de noté dans mon esprit que j'abuse de porno), tombant alors sur cette article m'expliquant le bon fonctionnement d'un couple et comment atteindre le "bonheur", tout en en profitant, pour savoir grace a l'article voisin, si les femmes aiment les mots crus au lit. Elle me dit :
-Tu t'es déjà allongé sur le sol, avec un ciel bleu, quelques nuages, un beau soleil. Et la tu ressens le plus grand vertige de ta vie. L'impression que tu vas tomber dans l'immense vide magnifique que tu observes. Tu te rends compte que t'es rien, que tout est en faite comme ça. Toute est vide, grand, énorme, vertigineux. Je ne sais pas, je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire.
Je suis un peu perdu dans son raisonnement de collégienne sous influence ( « Les frères Scott », toujours se méfier des filles qui regarde « les frères Scott ». Elles ne sont pas pour moi ces filles). C'est maladroit, mais je vois ce qu'elle veut dire, je crois l'avoir déjà ressenti et je crois que j'aime le ressentir. Ça remet de l'ordre. Ça peut aussi pousser au suicide. Je réponds par :
- Oui.
- Oui quoi ?!
Ça me réveille un peu.
- Tout est plein et vide, je vois la sensation oui.
D ne bouge pas, ne dit rien. D est inexpressive et ça me met mal à l'aise. Je ne sais pas ou je dois me mettre face, ou plutôt a coté, d'une fille illisible qui a envi de tout perdre.
- Oui je connais.
- Oui tu connais la fuite. Fuir le bonheur.
- Wo wo wo! Attends attends merde quoi ! Merde !
Je m'arrête nette la voiture au milieu de la route.
-Merde quoi ! Le bonheur ?! Avec des oiseaux et des fleurs et pleins de couleurs ?! Mais bordel dit moi ou tu as seulement entraperçu quelque seconde de ces trucs ?! Pendant que tu délirais ? Que tu voulais te foutre en l'air ?! Que tu faisais une fausse-couche ?! Que je te laisser dans ton sang ?! Me dis pas de conneries !
Je suis furieux de sa bêtise, de ma bêtise. Je suis désolé pour elle, de son état, de sa vie. Mais je ne veux pas être bloqué avec elle par peur qu'elle déconne plus encore, qu'elle s'enfonce davantage dans une vie comateuse et abandonnée. Je veux l'oublier pour de bon, m'en débarrasser, m'en libérer. Non je n'aime pas cette fille, je n'en ai rien à foutre, qu'elle crève gueule ouverte au soleil. Mon humanité a des limites et les lignes rouges ou jaunes sont toujours là pour préserver quelque chose. Je n'est pas envie de sa maladie, j'ai déjà les miennes, je suis l'enfant gâté de décembre 1992. D se met à pleurer. Ça, ça ne marche plus bébé. Je défais ma ceinture de sécurité et sort au milieu de la route en en faisant trop. Le conducteur arrêter derrière a les yeux grand ouvert sur moi et la bouche légèrement ouverte. En laissant grand ouvert la porte je crie :
-Oubli moi ok ?! Oubli nos belles choses et les quatre vingt dix pour cent restant. On a baisé c'était sympa voila.
Et je pars vers je ne sais où, mais sûrement vers le centre de la ville. Je ne me dégoûte même pas. Je m'engloutis et j'aime même ça. Je ne réfléchis pas plus. Je marche c'est tout. Pourquoi ? Pour rien ? Pour faire survivre la race humaine ? Je suis persuadé d'être stérile a force de toute cette masturbation à outrance dans ma jeunesse. Le Caligula de la branlette oui. Alors ce n'est pas la survie. Je marche, vers nulle part, loin du bord de mer. Jusqu'à ce que ma tête tourne et que mes jambes trainent. Je suis assis sur un banc sale et collant et je m'en fou comme jamais. Pour la première fois j'arrive vraiment à ne penser à rien, avant quand j'essayais ça, pour me décontracter ou m'endormir. Je visualisais du rien, graphiquement, une feuille blanche avec marquer « rien » dessus. Donc ce n'était pas vraiment du rien. La c'est vraiment du rien et je voudrais que ce soit éternel. Il me faut deux heures pour calmer la frustration qu'est ma vie. Avec mon avenir zéro qui rejoint l'horizon et puis le ciel s'orne de teintes magnifiques qui me ramènent à une vie plus agréable. Je commence petit à petit à me demander quoi faire maintenant. Voir si c'est le moment de reprendre un comportement adulte, faire ma comptabilité, préparer mon avenir. Là encore, je ne sais pas. La seul décision est d'aller me réfugier chez mon grand cousin que je n'avais pas vue depuis l'habituel Noël familial. Trente minutes à pied pour arriver en bas de son immeuble, plutôt jolie. Je sonne à "Anthony Shwartzman" puis il y a le grésillement d'une réponse dans le haut parleur, mais pas de vrai mot, La sonnerie d'ouverture résonne dés quand je dis "c'est moi". Il habite le dernier étage, le sixième, je monte dans l'ascenseur en bois. En haut, il est sur le pas de la porte, souriant. Avec une petite envie de rire étouffer.
- Qu'est ce qui me vaut le plaisir ? La famille te croit mort.
- Chouette alors. Il te vaut le plaisir d'accueillir un réfugié non politique qui n'est autre que ton fabuleux cousin.
- Je suis l'ambassade avec plaisir.
Il a trente ans, grand et brun, célibataire par choix. Couche tout le temps avec tout le monde grâce à une beauté romanesque. Sans qu'il ne s'entretienne particulièrement pour ça, sans être metrosexuel, il cette avantage dans sa vie. Son appartement ressemble à un bout de chaos pur, restant classe et construit, c'est une bête bizarre. Bondé de livres et de cd, que j’ai souvent eu le plaisir de fouiller, de découvrir. Endroit qui contient de nombreux bons souvenirs. Ma première fois tout court c'est passer ici sur le canapé, avec l’album « Before the dawn heal us » de M83, pendant qu'il s'occupait d’une fille de mon âge sans pudeur. Sa copine surement jalouse s'était rabattue sur moi, c'était "sympa", c'est le mot adéquat. Elle était potable.
Anthony est habillé d'un bas de pyjama noir, de sandale en osier, d'un T-shirt blanc colle en V, d'un bracelet en cuir Vuitton, d'une bague affublée d'un signe de l'infini (Le huit renversé), et d'une barbe de trois jour et de cernes et d'une petite tache de café sur son T-shirt. Anthony écrit des nouvelles, des chroniques, qui paraissent dans un magazine. Il s'était fait passer commande d'un roman, il y a un an. Roman dont il n'a réussi à écrire que le premier chapitre, neuf pages bâclé. Il baise quand même toujours autant. Commande qui lui avait permis d'arrêter son boulot parallèle au fast food grâce à l'avance de l'éditeur, qu'il s'était dépêché de dépenser le premier jour dans ce bracelet en cuir Vuitton, par ce qu'il avait vu Sébastien Tellier avec le même.
- Que pasa Nino ? Me dit-il.
- Rien comme d'habitude. Je me traîne, je fais mon marché. Mais je ne vais nulle part pour l'instant. Et toi alors ce putain de bouquin ?
- Je suis dessus, j'écris puis j'efface, je n’en suis pas fière.
- Je peux lire ?
- Il n'y a rien à lire, neuf pauvres pages, même pas dix, même pas un numéro a deux chiffres.
- Et Monsieur Lolipop se porte bien ?
Il me fait un grand sourire, se tiens les parties et se les secoues. Il dit :
- Toujours le même, fidèle au poste.
Monsieur Lolipop est le nom affectueux donné à ses parties depuis le jour ou une fille bourrée s'était mise à chercher sa bite dans son caleçon sur le canapé au milieu de tout le monde. L'appelant d'une voix convaincue et affolé du doux noms « Monsieur Lolipop ». Ont avaient bien ris, ont avaient bien bu, ont vivaient la vie comme il fallait, pendant qu'elle s'endormait, la tête dans son caleçon.
- Tu restes ce soir ?
- Pourquoi pas, j'ai rien prévu de toute façon.
- Vous êtes tous sans avenir, les jeunes.
- Ferme ta gueule de vieillard.
Il se jette sur moi me plaque sur le sol, me bloque les bras et me chatouille, me tapant gentiment pour que notre virilité serve un peu a quelque chose. Il sait terriblement bien s'y prendre avec moi. Il s'arrête, rouge le sourire aux lèvres, encore et toujours ce sourire, comme moi. Je reprends mon souffle, les yeux vers l'arrière, vers mon front, visions de son appartement renversé, à l'envers. Un poids énorme et invisible surgit et aplatit ma tête. Je ressent l'absence de D lourdement. J'aime D peut être. Je tombe sans foi, cent fois dans quelque chose sans fond.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire