samedi 25 avril 2009

ABOUT BLANK : CHAPITRE 6



6/ Morceau de onze minutes


Je me retrouve sur la plage de galets, sous le jet tiède de la douche publique, avec habits et lunettes. La plaie tracée sur mon arcade commence à me faire sentir son existence. Je crois que j'ai flingué le t-shirt de D avec mon sang. Je crois que D en a flingué bien plus avec le sien. Le monde réel me rattrape en même temps que l'adrénaline disparaît, en même temps que la température de mon corps baisse. Je veux retourner à l'hôtel et faire comme si j'avais des pouvoirs. J'ai une peur floue, je suis juste Peter Pan. L'eau arrête de couler. Je marche sur une partie de la plage, je n'aime pas les galets. Leur grosse face ronde et grise et inconfortable, ou la saleté est apparente. Une vieille dame bien habillé pic nique seule. Assise sur sa serviette, entouré de Tupperware rangés géométriquement comme le cercle cérémonial d'une vieille sorcière. Un petit sourire de grand mère aux lèvres pendant qu'elle croque une feuille de laitue. J'aimerais être le grand père qui accompagnerait cette grande mère sur cette plage, la même soirée dans 50 ans si les eaux n'auront pas encore englouti ce bout de monde. Avec notre salade. D n'est pas concerné par cette envie, elle ne sera dans ce future, même si elle me pardonne. Je ne crois pas en ça, l'oublie c'est un jeu d'acteur. Ici les promesses de l'enfance ce sont évaporé depuis longtemps. J'ai du mal à vivre dans ce monde sans adulte. Il aurait fallu que je trouve Dieu pour remplacer ça. Je ne peux pas trouver quelque chose qui n'existe pas dans ma logique. Elle me remarque et me tend une bouteille vide, sans étiquette. Un tube de Schneider.
- Tu voudrais bien aller me la jeter, ce serait vraiment très gentil de ta part jeune homme.
Je ne comprends pas pourquoi elle ne le jette pas elle-même. Pourquoi elle me le demande, a moi, de cette manière, a cette instant la, nous deux sur la plage.
- Gardez là. Vous n'êtes pas au courant. Gardez là.
Elle me regarde, figé avec son bras tendu. Puis remet la bouteille devant elle.
-Tu a peut-être raison
Elle a compris une chose ou il n'y a rien a comprendre, j'applaudis des deux main, dans ma rêverie. Je la quitte comme ça sans plus d'échanges ou de réflexions. Je remonte sur la promenade des anglais, humide dans l'air de ce mois d'été. Ça en tête. Je marche le long de la mer, à observer le phares, les bateaux qui ne sont que des boules de lumières, les couples qui s'embrassent et se tiennent la mains et ne disent rien, le groupes de jeunes, guitare entre les mains, musique dans l'air. Je sors la cigarette et demande aux jeunes du feu, ils en ont. Je crapote ce tabac chimique sur cinq cents mètres puis abandonne cette tumeur en kit à un clochard qui se jette dessus avec sourire. Je trouve ça merdique, ça a l'odeur de merde, le goût de merde, déduction scientifique. Je suis pourtant persuadé que j'aurais plus de succès avec cette mort en bouche.
Il faut que je retourne à l'hôtel affronter ce que j’ai fait. Je suis un malade avec une maladie. Je traverse le passage clouté qui me ramène sur le trottoir de l'hôtel, observant les palmiers qui n'existent pas ou j'habite. Je me faufile entre deux voitures garées sur le trottoir. Un bruit de dérapage vient ravager mon oreille, un déchirement de tôle et d'éclat de verre et de métal suit. Mon corps se contracte douloureusement par sursaut et je vois, une voiture, un break familial percuter la voiture à coté de moi. Les débris me léche, je tombe. Sous le choc, la petite voiture percuter me fonce dessus. Le poteau d'éclairage publique la stop en se pliant légèrement, a moins d'un mètre de moi pendant que je trébuche a terre, vider. Pendant que je m'imagine revoir toute ma vie. Pendant que je me dis "merde, je n'est rien fait, je ne connais pas mon visage vieilli, je ne connais pas la paternité, pas la vie en couple, rien d'extraordinaire". Il y a le silence de la ville et le klaxon du break familiale, je suis figé, je le reste, je dirais une heure, mais sûrement dix secondes. Le klaxon s'arrête. Je vois des silhouette apparaitre aux fenêtre alentour, une voiture passe, ralenti, observe la scène puis repart, sur la route. Je me lève lentement observe mon corps, quelques petits saignements ici et là sur les partis nus. J'ai peur de ce qu'il y a dans la voiture. Il y a quatre formes, au travers des vitres éclatées. J'ouvre la porte passager arrière en répétant bout a bout et sans variations"est ce que vous m'entendez ?". Les deux petits garçons sur la banquette arrière répondent "oui monsieur". Deux enfants identiques, jumeaux, vivant les dix premières années de leurs existence, vaporeux. Je les sors. Ils marchent doucement, sans jambes sectionnées. Je souffle. Ils s'asseyent sur le trottoir. L'intérieur de la voiture est intact, des bouts de verre et un petit jouet dromadaire ou chameau et des magazines féminin, tous éparpillés. La femme a l'avant, à la place du mort, mère ou belle mère. Elle est belle, la quarantaine. La tête, dans un airbag blanc, elle s 'éveille en gémissant doucement. Je l'examine et lui parle pour la réveiller. Elle est intacte, si ce n'est un coup du lapin, un cou du lapin, une douleur dans son cou. Je la sort sans stylo venu se planter dans sa gorge. Elle ne dit rien et s'allonge sur le trottoir avec les enfants. Ils ne se regardent pas, ne parlent pas, ne s'inquiètent pas, ne s'agitent pas, rien. Les enfants sont des figures kubrickienne flippante, calme et identique. La femme ferme les yeux, respire. Toujours cette sensation d'étrangeté, de bizarrerie. Ça fait peur, plus que des cris et des affolements attendus. L'homme au volant, le père, la quarantaine, tête en arrière, ne bouge pas, mais respire, une petite plaie a la pommette droite. Je le réveille, il dormait. Paradoxe. Mon récit imaginer, il s'était endormi au volant en rentrant d'une soirée arrosée, il sent l'alcool. Même après le choc il avait continué sa sieste.
Il me dit "nikeuglouvitsse" (?), quelque chose comme ça, et se rendort. Des gens m'entourent et m'aident à le sortir. Une ambulance déboule avec sa sirène, et bloque la route. Un papa, une maman, deux jumeaux enfant. Tous en vie, avec des égratignures de bac a sable. Accident brutale et violent. Un guérison. Le mal par le mal. Je conseille au monde entier et aux politiques un accident de voiture bénin pour se remettre dans de bonnes choses. Mes tripes sorties sont revenues d'elles même, bien rangées dans mon ventre. Je peux affronter ma maladie. Un des enfants vient vers moi, me tend un dessin. Dessins de feutres colorés. Une sorte de petit personnage souriant, aux yeux marron, six cheveux courts et châtains sur la tête, avec une cape et une épée, sur un nuage, et une sorte de forteresse en arrière-plan sur un autre nuage. Un large soleil jaune et orange dans le coin gauche. Je le prends et l’enfant dit :
-C'est un dessin de la prison des enfants. Et lui c'est le roi de la prison des enfants. Mais c'est pas vraiment une méchante prison. C'est plutôt une gentille prison. On s'amuse.
Je suis étonné, rafraîchi. Il y a un petit silence et dis :
- Whoa c'est très beau. Je suis impressionné.
Je sur joue mon attitude, c'est un enfant.
- Merci, on a sept ans.
"On a sept ans" me fait sourire.
Après ça je part, je n'ai pas besoin de rester, d'observer, d'être remercié. Le hall est vide, il n'y a personne à l'accueil, et je n'ai de clé dans cette hôtel qui parait fantôme.
Je prends l'ascenseur, pour la deuxième fois, il me paraît plus grand que tout à l'heure. J'arrive devant la porte, ma main frappe doucement du poing comme si c'était, elle la porte, D. Pas de réponses, je frappe une deuxième fois, plus fort. Toujours rien, je décide d'attendre dans le couloir par terre contre le mur, je regarde mon allure, mes habits, je me sens pauvre. Je met le dessin de l'enfant sous mes yeux, je fond mon regard dessus. Je suis d'avoir de l'amour pour D, quelque part. Je suis juste désolé puis je dors un long moment, jusqu’à ce que quelqu'un de l'hôtel me réveille brusquement avec un coup de pied. Son visage n'est pas tiré. Je crois qu'il fait toujours nuit. Il articule.
- Pour toi.
Il me jette une clé au visage. Je le regarde me demandant s'il fait partie d'un rêve. Il part sans rien dire. J'accepte ça, comme beaucoup de choses maintenant. Je me lève maladroitement et tombe maladroitement sur la moquette du couloir. J'en rigole nerveusement. Il me faut dix bonnes minutes d'un temps mauvais pour ouvrir la porte, je ne m'agace pas. Tout est pardonné. La chambre est plongée dans un noir gris. Le panier de fruits a étais ramassé et rangé, rien d'autre n'a bougé, la télé toujours allumée, Daft punk. Les traces de sang sont toujours la avec leurs odeurs de métal. Je jéte mes lunettes et le dessin de la prison des enfants sur la table basse devant le canapé face a la télé dans l'étagère sur la moquette.
- D ?
Pas de réponse, ni de la chambre, ni de la salle de bain qui ne sont pas allumés. Je vais voir la chambre plongé dans un noir plus obscure que le reste. Je discerne quelqu'un dans le lit. Je m'allonge à coté doucement sur le dos. Regardant l'obscurité droit devant. Je me tourne vers la forme dans le lit, aux longs cheveux.
- Demain, on part. Me dit la forme.
Je souffle, soulager. J'accepte ce truc, ça.
- Ou ça ?
- Loin de tout ce truc, ça. Notre pré lune de miel. Dit-elle, la forme.
Je me fige par ce que pendant des milli secondes je la crois capable de lire dans mon esprit.
- Écoute, je...
- Dort. Mais ne me touche pas encore... Je veux dire toucher, pas sexuelement. Le toucher tout bêtement.
Je ne dis rien et me tourne sur le coté. Je sent la trace de la destruction chez elle. Je m'attendais à me faire tabasser par son nazi de frère, a me faire refouler de l'hôtel, rien que par mon allure. Voir son père débouler et me mettre les couilles dans un étau. Ma vie n'est pas incrusté dans une bobine argentique, encore l'argentique. J'ai eu droit a un accident de voiture salvateur dans un timing de vie cinématographique. Ma vie est une sorte de scène coupée au montage. Quelle connerie. Je suis con, je me déteste, ce truc, ça. Il faut que j'arrête de dire "truc" et "ça", peut être "comme" aussi. Je m'endors, seul. À deux dans un grand lit de princesse.
Le matin est là. Réveille par un drôle de bruit. Une sorte d'aspirateur. Le lit est vide. Je pourrais encore dormir, mais il faut que je me lève, j'ai cette envie. Le soleil est là, à travers la vitre de la chambre avec sa lumière. Je me lève, tout habillé, rouillé. La tête et le visage dans une purée invisible. Dans le salon, il y a un employé au visage tiré, avec un aspirateur à vapeur. Il me dit bonjour, se dit désolé du dérangement. Il lave le sang. D est en peignoir sur le canapé, pelures de mandarines sur elle, croissant entamée sur la table basse. En dessous du croissant, le dessin de la prison des enfants. Je redoute ses yeux, ses mots. Je glisse derrière le canapé et lui caresse les cheveux.
- Pas encore. Ne me touche pas.
Je frissonne.
- D'accord..On est toujours censé partir aujourd'hui ?
Visions. Quarante ans et une femme me fait la gueule par ce que je l'ai trompée. Mais j’attends que ça passe, j’attends de l'accepter. Questions : Pourquoi est-ce que je l'es tromper ? Pourquoi ne me quitte t- elle pas ? Réponses probables : À cause de ses seins qui tombent. De ses migraines. Du nouveau lave linge qu'on va payer sur six mois. Par peur du changement. Par principe. Par ce que c'est comme ça. Ici maintenant j’entends D me dire :
-Oui ont part, va prendre une douche. On s'évapore dans une heure ou deux.
Elle tente d'enjoliver son vocabulaire c'est un bon signe, elle tente d'arrondir les choses.
- Ou ?
- Sur la route.
- Moi aussi j'ai lu Kerouac. Mais c'est un roman, c'était il y a 50 ans, dans un monde différent.
- C'est un bon livre.
- C'est un bon livre mais je n'ai pas le permis et toi non plus. Ce qui n'est pas sérieux d'ailleurs, faut qu'ont grandissent.
- Et ? Tu sais conduire non ?
- D ne recommence pas ce genre de délire. Je ne veux pas de cette D.
Mais je ne dis pas ça. Au lieu de ça, je dis.
- Ok.

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