
5/ AMOUREUSE DU VENT CHAUD
On reste une heure ici dans les odeurs d'huile, les mauvaises graisses. D a un air neutre avec ses lunettes, un air triste sans volonté. D me raconte que son frère est arrivé hier en ville. Qu'elle ne sait pas ce qu'elle doit faire. Le voir ou pas. Je lui demande ce qu'il fait, son âge, ce qui ne va pas avec lui. Assistant dans un parti néo-nazi en Allemagne, vingt-six, la réponse à la troisième question est dans la première. Je lui conseille d'éviter de le voir le temps de se remettre de ce qui l'attend demain. J'ai l'impression à son expression qu'elle m'en veut d'avoir dit "ce qui t'attends demain". Elle dit qu'il ne faut pas qu'il sache pour "nous".Je lui demande ce qu'elle voudrait faire aujourd'hui, elle me répond :
- Faire l'amour toute la journée.
Je lui souris et l'embrasse avec un goût de frite. Elle met sa main à mon entrejambe et me caresse. Je glisse ma main dans sa culotte. Personne ne nous voit. On est bien, entre l'excitation et la gêne. Ça dure quinze minutes puis je lui conseille d'aller finir ça dans un endroit plus paisible et secret. Retour a l'hôtel dans un taxi qui sent le vomi. Ça calme légèrement notre ardeur, fenêtre grande ouverte. Le chauffeur nous fait un prix pour la nausée.
Devant notre hôtel bien trop grand un enfant imite en sifflant une ambulance. Je devrais faire pareil. Ont montent dans notre refuge luxueux, par les escaliers. Vingt minute pour arriver à la chambre, par ce qu'on est en feu et que le feu nous fait nous tripoter a chaque marches. L'avortement et les néo-nazis n'ont jamais existé. Je pousse la porte de notre chambre bien trop grande avec sa langue dans ma bouche. Quelqu'un nous dit :
- On se calme.
Je tourne la tête en direction de la voix étrangère sur le canapé. Un homme dans les trente ans, plutôt beau, petite lunette, cheveux au carré, rasé de prés, cigarette dorée a la bouche, costume sur mesure gris, sans cravate, assis sur le canapé où le jus d'orange qui l'imprégnait avait disparu.
Ce détail me marque et je suis impressionné par la magie du luxe sur la disparition du chaos. Plus que par cet étranger qui nous regarde sans joie. D s'écarte de moi et met ses lunettes. Elle est devenue neutre et me chuchote "mon fer". Je la regarde sans comprendre.
- Tu ne me présentes pas ce qui paraît être ta nouvelle bite sur patte ? Demande l’inconnu.
D lui jette un regard au travers de ses lunettes et un silence. Puis elle me montre du doigt comme une enfant.
- Un peu de respect pour ton futur beau-frère. Lui répond D.
Ça ne me fait ni rire ni peur, ça me rend nerveux. L'étranger rigole silencieusement. On aurait pu en faire un parfait méchant pour James Bond. Il ne lui manque plus que le monocle et le crochet à son bras. Il se lève lentement et se dirige en boitant vers moi. Plus besoin de monocle ni de crochet. Il tend la main dans ma direction.
- Emmanuel. Me dit l’homme.
Je lui serre la main en plongeant dans ses yeux noirs. Me demandant s'il cherche à me faire mal avec sa main.
- Qu'est ce qui est arrivé à ta jambe ?
Je dis ça comme un enfant. Je me surprends moi-même. Ça ne semble pas le perturber.
- Elle a été sacrifié pour protéger nos valeurs, cette jambe.
Je n'ai pas envie de l'entendre me débiter toute ces conneries auquel je m'attends. D interviens :
- C'est gentil de passer, mais le mieux ce serait de se voir dans une semaine. On allait tout juste partir dans l'arrière-pays pour notre pré-lune de miel.
J'espère qu'elle ne va pas s’enfoncer trop loin dans son délire mensonger. Emmanuel tire sur sa cigarette, expire longuement.
- Ok D.
Il ouvre le haut de sa chevalière et la porte a sa narine droite. Il inspire rapidement et se frotte le nez. Il referme la chevalière. Je suis étonné de ça, de lui. Je prends la main de D, elle se blottit contre moi dans ses grandes lunettes noires. Je me vois vivre vingt ans avec elle. Il nous regarde avec le même air fatigué que le premier chauffeur de taxi qui nous avait conduits jusqu’ici le premier soir. Puis il sort sans rien dire, dans la trainé de sa fumée de cigarette. Il ferme la porte comme tout le monde le ferait. J'embrasse D dans ses cheveux doux qui sentent bon. Rassurer de ne plus avoir ce méchant manichéen devant moi.
D me prend par la main et me tire dans la salle de bain, me pousse dans la grande baignoire ronde, vide. Je lui souris. Elle ouvre les robinets d'une eau froide, qui viens imprégner mon t-shirt, mon jean, mes chaussettes, mon caleçon. Elle se met à califourchon sur moi et m'embrasse comme pour dévorer ma bouche. On reste habillé pendant cinq minutes dans l'eau grise puis les habilles disparaissent. Elle veut que je lui fasse l'amour durement, à lui faire mal, elle me dit de la baiser. Elle veut se souder à moi. Je le fais, nous devenons des bêtes, pleines de grimaces et de grognements, le monde est devenu simple. La moitié du bain se vide sur le sol, dans notre agitation animale. Je jouis en elle et descends au niveau de son entrejambe pour la remercier. Son sexe magnifique est fin et poilu. Je l'embrasse comme une bouche. Elle m'enlace la tête de ses fines jambes et je la sent se perdre pendant qu'elle attrape mes cheveux et tires dessus. Je suis la chaleur de l'été me noyant à moitié dans son sexe et l'eau tiède. Elle joui en étouffant son cri dans l'eau. Je voudrais que la vie se résume à ça. L'eau se refroidie pendant que l'on se resserre l'un à l'autre. On ferme les yeux. On reprend nos souffles en se caressant le dos de nos corps courbaturés. Dans un silence liquide, il n'y a plus que nous. C'est comme une bonne première fois qui se répéte. Comme un remake de ma vie. Ont commence à grelotter alors ont s'enroulent dans un peignoir épais et blanc et doux. Je suis un bébé qui vient de naître sans cris. Elle se serre contre moi et me surprends à déjà rebander. Elle m'embrasse en rigolant et fait une fellation à mon sexe visqueux. Les quatre heures suivantes suivent le même schéma. Sur le canapé, par terre, dans le lit, a coté du lit par terre, sur la table. Puis on regarde la télé en mangeant des fruits, nus. Un concert de Mogwai passe à la télé, il est 18h32.
Elle se lève et va dans la chambre. Depuis le canapé, allongé, j'observe ses formes onduler. Elle revient avec quelque chose et s'allonge sur moi. Elle tient un petit sachet de poudre blanche. Je lui demande ce qu'elle fait. Elle me répond qu'elle vit. Je lui dis que c'est une connerie, qu'elle n'a pas besoin de ça pour vivre, qu'il faut qu'elle arrête de jouer a la jeune. Elle ne répond pas et en aspire un peu directement dans le paquet. Je la sent trembler. Il faut que j'essaie au moins une fois dans ma vie. Pour vivre. Avant que je ne puisse plus qu'être sage et raisonné. J’ai le souvenir que Freud le conseillait comme aphrodisiaque, comme traitement des troubles gastriques, du mal de mer, de la neurasthénie ou comme traitement contre les addictions a l'alcool, la morphine et l'opium. Tout ça me revient dans un flot mégalomaniaque. Je suis convaincu, idiot, mais me sent intelligent de l'anecdote. Puis idiot de me sentir intelligent pour ça. Je mets ma narine à l'ouverture du paquet et aspire un grand coup. Je manque de m'étouffer et tousse. Une sorte de feu froid traverse mon nez. D rigole, ses yeux flottent, elle lèche son index et le trempe dans la cocaïne avant de caresser la vulve de son sexe avec. Elle saupoudre mon gland de cette fine neige chimique. J'ai une sensation anesthésiante et je l'embrasse. Je me sens heureux et intelligent dans cette instant avec elle, la douleur n'existe pas ou plus. Dans ma joie je décide de la sodomiser. Elle rigole et se caresse en même temps. Je ne sens qu'a moitié mon sexe. On baise en faisant tout et n'importe quoi pendant une heure ou deux je ne sais plus ou est passé le temps. Je crois même l'avoir appelé deux ou trois fois. Finalement on jouit en détruisant encore plus le monde que l'on avait déjà embouti. Je vois apparaître un trou dans le plafond et j'ai l'impression qu'on tombe dedans, je lui souris, au trou. Je le remercie. Pendant trente minutes, je suis allongé sur le sol, je tremble de tous mes membres, séparés de D, j'observe le trou se refermer infiniment. Je suis triste et minable, la poésie et la beauté sont de pures inconnus. D n'est plus à ma droite, la ou je l'avais laissé après notre dernière explosion. Il n'y a que du sang et je ne panique même pas. J'appelle D d'une voix triste c'est tout. Elle saigne sûrement du nez a cause d'un trou a la con dans sa paroi nasale, a cause de la coke, par ce qu'elle s'est taper le nez, par ce que des fois on saigne du nez sans raison particulière. Ça se répare, elle a de l'argent. De quoi être neuve toute sa vie.
Je me lève maladroitement en tenant le sol, j'ai une crampe à la jambe droite. Je me sens bête. La pièce n'est éclairée que par la télé qui semble maintenant diffuser les clips de nuits spécial année 90, Fatboy Slim. Est ce qu’on a dormi ? Je ne m’en souviens pas et ça me frustre. Tout est compliqué. L'intérieur de mon nez me fait mal, une petite nausée dans la bouche, mais je ne tremble plus. Je trébuche sur la petite table du canapé et renverse bananes, oranges, clémentines, kiwis, ananas du panier de fruit. Je me fais mal au cul en tombant. Je me sens minable.
Y a t'il de l'amour avec D ? J'aperçois le petit sachet qui contenait la cocaïne par terre. Les traces de sangs rentrent dans la salle de bain, qui est allumé. Quelqu'un tire la chasse. Je me dirige vers la salle de bain, à quatre pattes tout en appelant D, répétant que je l'aime. Je pousse la porte et l’aperçois, assise sur les toilettes, du sang sur ses jambes, son bas-ventre, son sexe, du papier toilettes, mais pas sur son nez. Elle a ses lunettes sur les yeux. Je crois qu'elle a pleuré.
- Qu'est ce qui ce passe ? dit-je d’une voix tremblante.
D'une voix colérique anesthésiée, molle, elle répond.
- Il ce passe que l’on n’aura pas besoins d'aller faire aspirer la vie qui commençait à naître en moi.
Je me lève toujours aussi désorientée, me tenant au bidet.
Mon arcade vient frapper contre le coin d'une étagère pleine de serviettes blanche et propre. Je ne sent pas la douleur comme je devrais la sentir. Je n'en dis rien, le sang coule sur mon visage. J'ai un truc a fuir mais je ne sais pas très bien quoi. Je récupère mes habits humides et froids au fond de la baignoire vide en vitesse et sort de la salle de bain laissant la porte grande ouverte. D me dit quelque chose que je n'entends pas et que je ne veux pas entendre. J'enfile un t-shirt qui traîne sur une chaise dans le salon, un t-shirt à D, sec. Sobre, avec des rayures, et une coupe pour fille, qui passe avec mon maigre corps. Ça fait un peu PD, mais je n'ai rien contre eux. D me crie quelque chose de la salle de bain, je n'entends toujours rien, j'enfile mon jean humide, mes chaussures humides, je ne mets pas de chaussettes, enfile mes lunette imitation wayfarer. Il faut que je fasse un tour, je ne peu pas rester. Je crie un truc, que je ne comprends pas. Il n'y a rien de construit. Je rejoins la lumière du couloir de l'hôtel, qui m'éblouit malgré les lunettes. Dans l'ascenseur une vieille bourgeoise comme on les imagines. Je vois une chose couler sur mes lunettes. Je touche du bout des doigts, mon sang, j'avais oublié ça. Je me regarde dans le miroir et il y a une clope dans la bouche. Me pose la question de son origine. D ne fume pas, je ne l'ai jamais vu fumer, ce qui m'intrigue pour une fille comme elle. Je ne fume pas et je n'ai pas de briquet. La femme m'observe de haut en bas, je la regarde, jolie pour son âge, la cinquantaine peut être. Elle me dit "chambre 125". Je crois. Je me sens nauséeux et minable. Je rejoins le hall d'entrée sans me soucier des gens qui me regardent, ils ont du en voir d'autre. Je vomi dans le pot d'un palmier à l'entrée, proprement, bizarrement. Je ne vomis jamais et la je vomi. Ma flaque intestinale se mélange au sang qui coule de mon sourcil. Je regarde cette flaque dix minutes au moins, pencher au-dessus. Quand je relève la tête j’aperçois Emmanuel à l'accueil, en compagnie d'un jeune garçon habillé d'une façon qui ne colle pas a son age, plus jeune que moi, je flippe et sort en courant doucement. Je vais devoir revenir.
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