
4/ Choses qui donnent une drôle de sensation.
Une chenille vole au-dessus d'un Océan bleu et scintillant de blanc. Une petite chenille commune, verte et poilue. Elle vole droit comme hors de la matière. Une immense D, nue, émerge de la mer. La chenille rentre par son œil droit bleu qui s'ouvre en une porte des étoiles. La chenille pénètre dans l'espace-temps de D. D n'est pas pleine de tripes, D est pleine d'images, collées sur les parois de son corps. Des images de contes pour enfants : Cendrillon, Blanche Neige, Pinnochio….Éclairées par un feu de bois au centre de son corps. J'émerge doucement. Je suis moi. Je suis la chenille. Je suis moi, je suis la chenille. Je me repasse des images de ce moment rêver pendant que je remonte à la surface. Palier par palier. Je me rappelle rarement de mes rêves. Un mal de tête et le corps courbaturé par la nuit passée sur le canapé, faute a cette fille remplie de contes pour enfants.
Je suis seul sur le canapé. Les lumières de la pièce sont toujours allumées malgré le soleil d'après-midi qui rentre par la grande fenêtre du balcon dans le dos du canapé. Je suis à la surface. Je respire un bon coup, j'ai faim. Le jus d'orange colle a ma peau. Ça sent bon. Le canapé me semble plus spacieux, D n'est pas avec moi. Je retrouve une sensation de crainte pour elle, pour D. Celle qui avait disparu, il y a une semaine. Mes espérances espères que la D qui est revenue hier est restée pour de bon. Je me lève et attrape une banane dans le panier de fruits. Le temps de l'éplucher et de la dévorer, je m'étire comme un chien. Sur mon avant-bras gauche il y une phrase marquée au crayon pour les yeux, flous. Je fais des efforts et lis : "Je suis enceinte".
Une petit chose pointu aux tripes. Est ce que c’est un truc récurrent chez elle ? Est ce que les phrases gribouillées a la fête dantesque ou tout avait commencé, étaient d'elle ? J'espère une mauvaise blague, un sursaut malsain. De l'ancienne nouvelle D. Ça n'a rien de surprenant. C'est juste là. Au moins ce n'ets pas ma faute, je n'ai jamais couché avec elle, que ce soit pour baiser, faire l'amour ou me sentir vivant. J'ai failli hier soir, mais je ne sais plus pour lesquelles des trois raisons. Je me le répète clairement trois fois pour me rassurer malgré l'évidence. Il faut qu'elle reprenne confiance en les choses. Il faut que je sois là pour elle comme ont devrait toujours l'être. On tape à la porte. Je la regarde, méfiant, la porte. Peau de banane en main. J'ouvre et c'est quelqu'un de l'hôtel. Sans âge, mais pas jeune. Son visage est une peau étendue au-delà de ses limites. C'est quelqu'un qui veut vivre éternellement. Qui fait de son mieux avec son époque, avec la chirurgie esthétique. Je me demande s'il est bien, s'il se sent beau.
Il dit qu'il apporte le petit-déjeuner. Moi qui ai l'habitude des petits-déjeuners qui finisse a dix heures. Je contemple la puissance de l'argent. Il me dépose un chariot plein de viennoiserie, café, lait chaud, thé, fruits. Je le remercie, il ajoute qu'il doit me remettre quelque chose et me tend une enveloppe blanche avec le numéro de la chambre dessus puis part sans mot ni sourire. Je jette la peau de banane sur le panier de viennoiserie et ouvre la lettre et en sort un bout de papier. Qui est le coin bas droit d'une pub de magazine féminin déchiré. Page soixante-quatre, un pied bronzé et fin, du sable. Au dos c'est un coin bas gauche. Page soixante-cinq, des bouts d'article qui parle d'équilibre dans un couple et du goût du sperme. Dessus il est marqué au stylo bleu : "Être heureux tout en regardant le monde sans y être" et en dessous "17h entrée C du centre commercial « Shine stars » et encore en dessous "je ne sais pas qui est le père". Les phrases bibliques de la soirée sans fond étaient d'elle. Je trouve cette phrase vide et juvénile et juste faite pour être belle. Je cherche ma veste, mais ne la trouve pas, ni dans la chambre au lit de princesse, ni dans la salle de bain de marbre. Je prends une douche, me masturbe en pensant à D. Ça calme un peu la chose pointu dans mes tripes. Je regarde l'heure sur la pendule dans le coin du salon, 16h. Je suis nu et m'assoit sur le canapé, allume la télé. Je tombe sur une vieille série de l'après-midi anesthésiante des personnes âgées. Je change en vrac sur le classique documentaire animalier, un reportage sur Klimt, des clips musicaux de chansons françaises, les infos, une chaîne allemande avec des tops modèle teutonne à moitié nues. Je reviens en arrière et met les infos. Je me sens bien.
Un enfant disparaît, le président divorce, attentat a Bagdad, essai nucléaire de la Corée du nord, le nouvel album de Lola, massacre en Angola. Je pars avec mes habits imprégnés de sueur et d'orange. Sans toucher le petit-déjeuner. Je croise des vieux couples, des jeunes requins, une vieille dame et son gigolo. Le jeune garçon de la réception a été remplacé par deux hommes semblables à celui qui est venu me servir le petit déjeuner. La peau du visage tiré aux extrêmes. Est ce que c'est la norme en hôtellerie ? Coup d'œil à la pendule centrale, 16H30 pile. Je sors de l'hôtel pour abandonner sa climatisation et retrouver la chaleur humide et ce soleil qui me fait perdre la vue. Je trouve le billet de cent euros dans ma poche, il me faut des lunettes. Paris à transformer mes yeux. Je m'arrête dans une boutique attrape touriste, pleine de gens sortis du livre des stéréotypes. Des familles étrangères et des jeunes couples étrangers, gonflés de sueur, rougeâtres, repoussant. Je prends des lunettes imitations wayfarer comme celle que l'on trouve partout. Mes yeux vont mieux, j'ai l'air moins con. Ou plus. Les rues sont pleines de tout et n'importe quoi, comme dans toute grande ville. Mais il y a la mer. Je fais un détour pour longer la promenade des anglais. Pour observer l'horizon et la mer. Ça me manque l'horizon, à Paris. J'évite de descendre trop bas mon regard. Pour ne pas voir les gens entassés sur les galets sales. Rouge, huilé, gras. L’odeur de crème de protection, d'auto bronzant, d'huile plane dans l'air. L'eau du bord de mer, opaque, sale. Je ne m'arrête pas et rejoins le cœur de la ville. Je suis là où elle m'a donné rendez-vous. J'attends. Devant le gros "C" au-dessus de cette entrée. J'observe les gens faire des détours par le centre commercial pour profiter de la climatisation. Je vois des couples, tout ce qu'il y a de plus normal. Parfois on a envi d'être ça, parfois on se dit que non. Un clochard passe, habillé en indien moderne, de plastique, carton et autres. Un caddie rempli de bouteilles en plastique vides à ras bord entre ses mains. Deux bouts de carton accrochés sur les coté. Dessus il est écrit à la peinture rose : "Je suis scientifique. J'ai découvert que nous n'existons pas. Tout ça n'est qu'un moteur pour faire marcher la réalité. Je peux vous sauvez avec mon tube de Schneider, qui vous permettra d'être vivant. 5 euros". J'ai envi de lui en prendre un, mais je ne le fais pas. Je n'ai pas bu depuis mon réveil, c'est bizarre, ce détail viens de surgir dans ma tête. Peut-être qu'en fait, je n'existe pas. Peut-être que, dans la réalité je suis cette chenille. Peut-être qu'il faut dépenser cinq euros pour être vivant. Il n'y a rien à en tirer, de ces pensées, même cachées, même philosophiques, même marrantes.
Je repense au petit déjeuner que je m'étais fait livrer, ce n'était pas moi qui l'avait commandé. Elle avait pensé à moi. Elle avait fait quelque chose d'organiser. La D que j'aime est toujours là. Quelqu'un m'embrasse dans le cou par derrière. Je me retourne par réflexe, D. De grosses lunettes de soleil sur les yeux, propre sur elle, bien habillée. Sans trop, sans pas assez. Elle me serre dans ses bras de fille et m'embrasse, j'accepte ça avec plaisir. Elle sent le dentifrice. Ça me fait peur par ce que je sens que ça va se perdre, cet équilibre. Elle prend ma main moite dans sa main moite et m'emmène au Mac Do. Sur le chemin, on ne dit rien et dans mes pensées je me rends compte qu'elle ne fume pas, que je ne l'ai jamais vu fumer quoi que ce soit. Elle commande des frites et un soda. Je prends une glace et un soda. On reste à l'intérieur à une table avec des banquettes, assis cote à cote.
- Qu'est ce que tu compte faire D ?
- J'ai 18 ans depuis 2 mois. Avorter.
- Tu en a parlé a quelqu'un ?
- Non.
- Tu t'es renseignée ?
- Oui, je dois me faire avorter demain. Par aspiration.
Aspiration me donne des frissons.
- Tu sais que tu peux aussi prendre des médicaments maintenant.
-Je veux y aller demain, et que ce soit fait et fini la bas, dans un endroit fait pour. Que ce bout de chair qui essai de prendre vie en moi disparaisse dans un endroit prévu pour ça. Pas au fond de toilette, dans les égouts.
Des frissons.
- Ok. Je serais là. Ce à quoi j’ajoute un sourire peut être trop triste. Au moins que je sois cette bonne personne la.
- Je suis vraiment désolé que ça t'arrive, a toi D. J'aurais aimé être ta première fois. Passer des week-ends ensemble. Faire des voyages ensemble. Découvrir la sexualité ensemble. Découvrir pleins de trucs ensemble... Mais c'est la merde, c'est comme ça. Il y en a partout de la merde. Mais globalement il n'y a pas que ça. Demain on passe à autre chose, on fera comme si.
- On sera heureux jusqu’à la fin de notre vie ? Me dit-elle.
-Ce serait chiant.
Elle dit des phrases bêtes qui m'énervent, j'en dit aussi.
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