mardi 14 avril 2009

ABOUT BLANK : CHAPITRE 3


3/Statue qui paraît vivante.

D m'offre la chambre d'hôtel. Pas n’importe quelle chambre, celle de l'hôtel de son père. Elle dit qu'elle ne peut pas marcher et en profite pour prendre appui sur moi et me tripoter. Moi le cadavérique et moyen garçon. Peut-être que la drogue à du bon quand on est le seul à ne pas en prendre. Dommage pour le moi plus jeune, cette fille largement baisable ne l'était plus par ce que je le voulais. Par ce que je le voulais. Le taxi nous dit qu'il ne prend pas pour moins de cinq euros de course. L'hôtel est à cinq cent mètres, ça joue dans les deux euros. Elle lui donne cent euros. Je ne l’en empêche pas, c'est son monde. Elle dit qu'elle m'aime dix fois d'affilé dans le creux de l'oreille, posant ses lèvres à l’intérieur du lobe, il n'y a rien à y croire. Au niveau du deuxième feu rouge sur la grande avenue, elle me fait sa demande en mariage, prend ma main droite en essayant de la mettre au plus profond de sa culotte, voulant que je lui fasse l'amour ici tout de suite me dit-elle à voix haute, sans se gêner pour le conducteur qui nous regarde amusé par une fille qui avait sûrement trop bu. Il ne dit rien, et je lui en suis reconnaissant. Je n'ai pas envi de la sauver de quoi que ce soit. Je suis à la rue tout de suite maintenant, pas à l'échelle de ma vie même immédiate, juste de cette soirée, alors je me contente de dire le minimum pour qu'elle reste sage et simple, tout en la repoussant. Elle dit que l'on à cas aller à Las Vegas avec le taxi et se marier. Je dis que je vais y réfléchir, que je lui dirais ça demain après le petit déjeuner avec Stanley Kubri, qu'il ne faut pas se précipiter, le temps de réfléchir aux invités du mariage, aux fleurs, à la disposition des tables, au Dj et puis trouver les noms de nos futurs enfants. Faire les bons choix. Elle demande au chauffeur s'il n'a pas des cassettes audio regroupant des dialogues de vidéos porno. Je ne comprends pas cette bizarrerie, comme toutes les autres qu'elle venait de me faire traverser. Elle est jeune, auto destructrice, en rébellion contre le monde, contre tout. Rien de bien extraordinaire, c'est presque une excuse, même débile s'en est presque une. Deuxième point, je ne savais pas que l'on pouvait avoir un vagin dans la tête. Les regards amusés du chauffeur ont disparu, la voiture ralentie et tourne vers le trottoir. D ouvre la portière rapidement, la voiture roule encore, je la retiens par le bras, le chauffeur freine brusquement au milieu de la route, complètement abandonnée à cette heure-là. Pendant deux rares secondes suspendues je sens le goudron de la route me cracher sa chaleur de la journée au visage comme pour protester. D ne semble pas avoir été perturbée. Elle sort et jette un billet de cent euros par la fenêtre passager avant sans s'arrêter, puis rejoint le trottoir devant l'hôtel luxueux. Le chauffeur, le regard fatigué, me tend le billet en demandant de le remettre dans son sac ou sa culotte. Je prends le billet, le fourre dans ma poche arrière. Elle marche devant moi, léthargique en demandant de la filmer avec son portable si elle vomi. Au moins elle a arrêté ses attouchements. Et ça je n'aurais jamais pensé l'espérer d'une fille aussi belle. Le portier la reconnaît et la salut sans conviction avec un rire effacé. J'aime bien les chambres d'hôtel. La température de la chambre, le bruit de l'aération, l’épaisse moquette, le lit spacieux, moelleux, les chaînes télés, les pantoufles jetables, le carré de chocolat sur la table de nuit, les deux pommes à côté de la télé, les petits mots d'explications des services d'hôtel, les longs couloirs vides, les couples qui font l'amour et le font partager à tout le monde. Ce qui est bien pour un homme hétérosexuel sans penchant exhibitionniste, c'est qu'en général, on entend que la femme, l'homme étant plus discret avec son grognement grave et bas. Bien que quand j’entends une femme qui en fait trop ça fait remonter une tristesse en moi, j'imagine alors une pute ou une jeune et jolie fille avec un vieux, rouge et rondouillard et riche homme. Images typiques du dépressif englué dans sa noirceur. Il y a un jeune garçon à la réception. Il pourrait avoir le même âge que moi ou peut être dix années d'avance. A son regard je vois qu'il ne l'aime pas sans pour autant le montrer facilement. J'aimerais faire les mêmes études que lui pour savoir faire ça. C'est surement sa routine, il a dû en voir pas mal ce jeune réceptionniste bien coiffé, bien habillé. Je lui conseillerai d'écrire un livre ou de faire un film. Elle lui dit "tu".
-Tu me prends la suite pour moi et mon mari qui a d'ailleurs un très gros sexe. Tellement gros qu'il m'a causé une hémorragie interne la dernière fois qu'il m'a baisé sur le lit de mes parents. Alors prépare-toi à appeler une ambulance.
Là, une peur dans mon ventre, pas par son discours mais par ce que je me rends compte que je me suis fait avoir. Je n'avais rien vu venir par ce qu'elle avait dit “je vais te prendre une chambre d'hôtel" et non pas "je vais nous prendre une chambre d'hôtel". Je la croyais trop déconnectée pour organiser un truc aussi simple. Merde, je suis furieux.
- Non non non, cette dame va gentiment rester ici. Et va gentiment me laisser monter me coucher ok.
- C'est chez moi ici Donnie, si tu ne veux pas dormir dans la rue tu dors avec moi.
J'aperçois une pub derrière elle. Dans une vitrine à côté de la réception. Une pub pour une montre de luxe. La photo d’un mannequin, Visage de rêve, fin, jeune, montre scintillante au poignet collée contre le visage. Elle embrasse langoureusement la montre et son poignet, les yeux fermés sur un fond noir. Dans une jupe qui aurait pu être la même que D si elle n'avait pas été toute blanche et saillante. J’achève :
-Ok.
Je suis cette montre qui coûte une fortune. J'ai toujours rêvé d'être cette montre qui coûte une fortune. Tous les garçons rêvent d'être cette montre qui coûte une fortune. Mon peu de matière grise me doit bien ça. Le jeune réceptionniste nous regarde toujours aussi droit. Elle m'observe le sourire aux lèvres et vient se blottir contre moi. La pub nous regarde aussi, je la laisse faire. Elle prend la clé et nous montons tous les deux. Par les escaliers, elle ne veut pas prendre l'ascenseur car elle me dit avoir une phobie des ascenseurs. Arriver au premier étage tout en la portant à moitié, elle me raconte qu'elle veut absolument me porter pour monter au deuxième étage car elle à la phobie de ne pas porter quelqu'un en montant au deuxième étage. Je rigole presque et je lui dis qu'elle était pas mal celle là. Mais elle me regarde de l'air d'un fou que l'on prendrait pour un fou. Elle dit qu'à ce moment là il faut qu'elle photographie ma bite avec son portable. Cette fois je rigole, nerveusement. Je lui explique qu'elle aura tout le temps de penser ses angles dans la chambre. Même regard de folle abasourdie. Elle promet que ça ne sortira pas de son portable avec un air sérieux et auto convaincue. Je lève les yeux au plafond haut, blanc, de la cage d’escalier luxueuse et lumineuse de l'hôtel de son père. Je dis à un être invisible et tout puissant qu'il n'existe pas. J'ouvre ma braguette, sort ce qu'il y a sortir. J'ai l'air con, là, au milieu de ce grand escalier luxueux, la queue pendante, complètement habillé. Je lui dis de faire vite. Ma matière grise commence à reprendre le dessus, à sortir la sécurité en me chuchotant que si c'est parti comme ça elle va sûrement vouloir des délires plus approfondie dans l'intimité de la chambre. Je chasse rapidement monsieur matière grise. La porte de service s'ouvre dans un bruit fort et sec de joint non huilés. Un employé de l'hôtel un peu plus vieux que le réceptionniste sort de cette porte. Pris de stupeur, je cache le bout de chair entre mes jambes avec mes mains, le plus naturellement possible. J'ai encore l'air con, mais j'aurais un peu plus de dignité. Il nous jette un rapide coup d'œil, sourit puis continue son chemin, nous souhaitant une bonne soirée en entamant sa descente dans les escaliers dont il semble compter chaque marche à lui même. D'une voix basse je l'entends « un, deux, trois, quatre... ». D n'a pas oscillé. Son portable est déjà rangé dans son sac. Arrivés dans la chambre, c'est un palace au sens image : Panier de fruits géants posé sur la table du salon, en face du canapé. Plus que je n'en mange en six mois. Elle enlève sa robe, nue, elle est magnifique. Les riches ont souvent de beaux enfants. Ça permet de baiser des gens beaux, de se marier avec des gens beaux. On s'achète de bons gènes. C'est foutrement injuste. On aimerait que les gens riches soient malheureux et mauvais. Elle ne se jette pas sur moi comme je l'aurais imaginé, elle s'extasie comme un enfant, devant le panier de fruits. C'est une jolie image. Elle prend une orange et croque dedans à pleine dent avec la peau, le jus coule sur son corps de jeune fille. Puis elle la presse plus encore pour créer un flot, debout au milieu du salon. Je pense performances artistiques ridicules d'art moderne. Mais c'est juste un joli moment, sans cynisme, que j'aurais aimé figer dans une photo argentique.
Elle s'allonge sur le canapé, lentement sur le dos, face à moi, je n'ai pas bougé depuis que je suis rentré, debout, perdu dans cette scène. Je me rends compte que monsieur matière grise est là, qu'il a toujours été là. Qu'il s'était juste travesti. Je ne dis pas que je suis intelligent ou irréfléchi. Monsieur matière grise représente autre chose. Je ne pourrais pas bander ce soir. L'odeur de l'orange a envahi la pièce, ça me fait du bien. C'est une odeur agréable et chaleureuse. La cantine avec les amis, les fins de repas en famille. Dans son bruit de succion, D pleure. Elle est maintenant en position fœtale sur le canapé le visage dans les mains. Étouffé, aigu, enfantin, ça ressemble à ça. Il ne fait pas peur, il attendrit. Je retrouve un D idéalisé, plus humaine, celle qui me rappelle un peu l'amour, tout ça grâce a la tristesse. J'enlève ma veste et la recouvre en glissant mes bras autour d'elle. Elle est poisseuse, mais j'arrive quand même a savoir que sa peau est douce. Elle réfugie son visage dans mon cou, les larmes aux yeux et qui finissent par couler dans ce creux sous ma mâchoire. Le visage bouffi dégoulinant de noir autour des yeux, je la trouve plus belle encore, peut être que je suis vicieux. Je la sert fort et mes maigres bras le permettent, elle en a des frissons. On est allongés, tous les deux. Hoquetant, geignant, elle dit qu'elle est consciente du bon e t du mauvais. Qu'elle est triste. Qu'elle veut retrouver des limites, un père, une base, un cadre. Qu'elle se déglingue pour tenter de s'adapter. Que les grosses peluches débiles de son enfance lui manquent, que faire l'amour lui manque.
- Droopy et Dinguette. Dit D d’une jolie manière absente.
- Quoi ?
- Nos enfants. Droopy si c'est un garçon. Dinguette si c'est une fille.
- Dinguette ?
- La femme de Dingo.
- Elle n'existe pas non ? J'étais un accroc de Picsou magazine. Si nos enfants ont des noms ridicules, au moins que se soit des noms de personnages de dessins animés qui existent.
-Dans mon monde, dans notre monde, tout existe.
J'ai un tremblement de rejet à entendre cette phrase naïve et idiote.
- Daisy ça te va ?
De son visage rouge bouffi et dégoulinant, elle me sourit.
- Ça me va.
Et on s'endort.

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